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Rimbaud, le fils : Une œuvre foudroyante

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C’est en 1991 que parut, chez Gallimard, Rimbaud le fils, de Pierre Michon. Composée de 7 chapitres, cette œuvre brève et foudroyante comme le fut la vie du poète est la plus poignante que j’aie lue sur lui.

S’y trouvent concentrées les stations essentielles du fabuleux désastre de Rimbaud. Nous ne voulions pas de récital, nous ne voulions pas d’un banal collage : nulle œuvre qui ne soit à ce point liée à la biographie de son auteur que celle de Rimbaud. Avec Rimbaud le fils nous tenions le prodigieux fil narratif qui nous permettrait à la fois de raconter la vie d’un homme lancé à toute allure et de faire entendre ses cailloux laissés sur le bord des chemins.

Par sa densité littéraire, ce chef-d’œuvre ne cède jamais à l’enquête biographique dont il est cependant nourri. Il prend ses distances, par le leitmotiv de ses "on dit que..." avec la légende d’Arthur Rimbaud, tout en en montrant le caractère épique et tragique ; tel une comète, Rimbaud est projeté à grande vitesse contre la constellation de ses pairs qu’il fera éclater, s’y brisant lui-même.

Entre enquête et légende

Comme l’indique son titre, Rimbaud le fils est une méditation sur la filiation à la fois biologique, psychanalytique et littéraire : Rimbaud y est montré en fils en quête d’un amour (d’un père "fantôme", d’une mère "mauvaise"), d’une reconnaissance (des "grands-pères, [d]es phares comme on disait") et d’un Salut (par la poésie, puis par l’or) qui ne lui seront jamais accordés.

Cet aspect du livre, particulièrement poignant, lui donne son étonnante structure temporelle : commencé par la mère, il s’achève en boucle par une invocation aux parents lorsque Rimbaud est à Roche (alors que la chronologie, jusque-là respectée, aurait voulu que le récit s’achevât sur son lit de douleur marseillais). C’est dire combien la parole est liée, pour Pierre Michon, à la filiation. C’est dire aussi combien celui-ci se considère aussi comme un fils : "mère qui ne me lis pas... père qui ne me parleras jamais".

Enfin, Rimbaud le fils est empreint d’une mélancolie pleine de compassion pour tous ceux qui ont failli dans l’entreprise littéraire : ce livre est un tombeau comme on en écrivait jadis, érigé sur la dépouille de celui qui fut "la poésie personnellement". On y entend, parfois non sans un sourire caustique, que le silence de Rimbaud signifie l’échec de la poésie à "réinventer l’amour" ou à "changer la vie". Nul doute que Pierre Michon est passé par cette douloureuse initiation, et qu’il a dû, depuis les Vies minuscules, construire son œuvre narrative sur ces décombres-là.

dimanche 2 décembre 2007, par Webmaster

 

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